Marion Lamare

Tout autour d’elle c’est le désordre et, à l’intérieur, elle s’affronte et c’est probablement une erreur de prendre son travail comme une sorte de narcissisme, une manière d’autocélébration parce qu’il se pourrait qu’elle soit loin de là, loin de la vanité, et qu’elle en bave et en souffre. C’est une manière de se risquer, de s’exposer et le plus souvent dans les pires moments, le pire moment que chacun cacherait, puisqu’elle se met en scène jusqu’au point de se sentir pathétique, présentant son propre ridicule jusqu’au malaise, jusqu’à l’inquiétude de les montrer.
Par la photographie, la vidéo et la performance, elle se met en situation sans beaucoup de limite, ce qu’elle semble aussi beaucoup regretter.
Elle joue et prend la place de la fille qui rate de tout son cœur, qui manque son coup et le sait et en joue et se le reproche et quand même insiste et se sent stupide et se tient quand même à cette place absolument inconfortable et douloureuse de celle qui échoue encore et encore avec un entêtement presque héroïque, un bégaiement sincère, on pourrait penser à la phrase de Beckett dans Hostward Ho (Cap au pire) devenu un tatouage de sportifs et d’hommes d’affaires : Ever Tried. Ever Failed. No Matter. Try again. Fail again. Fail better. [Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux ») .]
Personne ne peut vous apprendre à échouer, il n’y a personne. Comment quelqu’un réussirait-il un ratage ? Voilà une double contrainte, un double bind digne du supérieur qui vous ordonne de lui désobéir.
Dans la vidéo intitulée La Sauvage, Marion Lamare épluche une carotte et en fait un fouet. Dans celle intitulée C’était une très belle nuit d’amour elle simule la jouissance en enfonçant son index dans son nez. L’ensemble des pièces est à l’avenant.
La chute, le lamentable, le pathétique, encore et encore. Jusqu’à risquer de se mentir, de plus en plus perplexe, dans le doute et le trouble, dans la situation inconfortable d’un être vulnérable qui aime tourner en rond (comme la plupart des êtres humains) et le sait et ne peut s’en empêcher.

JPO

Née en 1994.
Vit et travaille à Paris.

marion.lamare@villa-arson.school

Sans titre (installation)

2018, techniques mixtes, dimensions variables