Julien Carpentier

Je fais du bruit.
C’est-à-dire que tout part toujours d’un son, ou du souvenir d’un
son, voire de l’idée de celui-ci.
Toute cette matière, je la compile, je l’arrange, j’y associe des
objets, des actions; je l’envoie voler contre les murs.
Je produis des intensités, je produis des ambiances.
On les retrouve sous la forme de performances, que j’imagine
plus comme de courts spectacles, comme un condensé d’actions
simples qui se télescopent pour former une narration.
J’aime les célébrations populaires, du carnaval à la rave party
en passant par le pink bloc; alors je me déguise, je me mets en
scène comme un transformiste/performer, j’utilise le calembour
et la plaisanterie comme un moteur narratif et plastique; mais
surtout : je fais du bruit.
Je compile les idées, les objets et même souvent les mots;
comme un DJ produit un mash-up, un bootleg.
Je filme beaucoup; les caméras sont des personnages à part
entière dans mes processions/actions; ce ne sont néanmoins
pas des caméras de cinéma, elles sont là plutôt comme elles
existent dans un studio de télévision.
C’est de l’hybridation parfois chaotique de ces postures, de ces
médiums, de ces souvenirs, de ces gimmicks que j’extrais mon
travail.
Je fais du bruit, je fais des charivaris.

JULIEN FAIT DU BRUIT
KNUT FAIT DE LA MUSIQUE
Une partie de mes recherches s’effectue sous
un pseudonyme : Knut Vandekerkhove.
C’est un alter-égo, un méta-personnage, une
autre farce de transformiste.
Mes recherches plastiques se font sous mon
nom, tandis que je réserve ma musique à Knut.
Néanmoins, le deux amis schizophrènes collaborent
toujours, en cachette, c’est pourquoi
vous retrouverez toujours la patte de l’un, chez
l’autre; et, surtout, les mots de l’un dans la
bouche de l’autre.

Bien qu’il n’ait pas appris la musique, il la pratique depuis qu’il a découvert que l’on pouvait en composer assis devant un ordinateur.
Avec Luca Bonanno, il a créé le label de musique Lonely life lovers club [le club des amoureux de la vie solitaire] qui très vite s’est transformé en association pour produire des cd, des cassettes et des évènements.
C’est d’ailleurs le son qui commande les performances. C’est à un signal sonore que les acteurs de ses performances agissent, réagissent.
Il aime enchâsser et emboîter les médiums et les pratiques à l’intérieur et au service de performances qu’il filme. Pour celles-ci, il fait appel à des acteurs, professionnels ou pas. Il leur donne des indications simples, des gestes, des actions. Ainsi a été créée la performance L’Abeille coule avec l’association Les Chevaliers du lustre pour l’interpréter.
Il adore le bricolé au point de sophistiquer un art de la maladresse. L’idiotie ne lui est pas indifférente, la plaisanterie adolescente non plus.
Avec beaucoup de bricolage (chatterton et colle Uhu), des objets rafistolés, du carton en abondance, des costumes approximatifs, des masques et des postures figées exagérées, il parodie et caricature des attitudes solennelles, des positions de pouvoir. Il fabrique tout, rien ne semble le limiter, même un costume de T-Rex gonflable pour un slow avec un fantôme qui porte un casque de chantier. Invité en résidence au Wonder avec Luca Bonanno, ils mêleront un clown à des figures de CRS.
Il cultive la fantaisie, aime le drôle et le festif. Déjà dans les titres : La Mort de Ferdi, Cache-cache à la frontière belge ou Bicravmaga chouravparti qu’il nomme performance spectacle.
Julien Carpentier mêle le voguing (danse née dans la communauté noire LGBT des années 70, aux mouvements inspirés du magazine Vogue), à l’enfance utilisant des pinatas (objet rempli de sucreries pour anniversaire) ou des slip-and-side, glissades enfantines, sans oublier les animations de camping, les jeux d’évasion [escape game] grandeur nature, dont les moteurs sont le piège, les indices et l’énigme.

JPO

Né en 1995.
Vit et travaille à Marseille.

julien.carpentier@villa-arson.school

Le LONELY LIFE LOVERS CLUB est, à l’origine, un label de musique que Luca Bonanno et moi avons
fondé à l’été 2016. Depuis, il s’est mué en un collectif pluridisciplinaire avec l’arrivée de nouveaux membres.
Cette transformation s’est entamée réellement au première anniversaire du label, occasion pour laquelle nous avions été invités en résidence au WONDER/LIEBERT à Bagnolet.
C’est lors de cette résidence que nous avons mis au point BICRAVMAGA CHOURAVPARTI, que nous
avons pu présenter deux fois depuis : le 14/07/17 au Wonder ainsi que le 07/11/17 à la Villa Arson.
BICRAVMAGA CHOURAVPARTI, c’est la rencontre de deux dates : l’anniversaire du label, et la fête nationale en France.
Alors, on a proposé un contre-defilé festif, mettant en scène une compagnie de CRS/Chevaliers reprenant des poses de voguing et pris pour cible par un clown.
Tout part d’une envie irrépressible pour le clown : prendre un selfie avec les gens d’armes. Seulement, ceux-ci n’ont pu passer à côté de l’arrogance manifeste du clown, que l’on retrouve dans les graffitis qu’il a laissé çà et là.
Alors, BASTON !
Et puis, tant qu’à faire, autant chourav’ le magot !
Avec le concours du DJ/Monsieur Loyal bien évidemment !
Lui, il n’hesite jamais à bicrav’ une bonne cassette de Starmania à ses copains…

Bicravmaga chouravparti

2018, performance

EVERLOST est, à l’origine, une collection de pièges cartoonesques
imaginés pour un escape-game ayant lieu dans une galerie d’art, le projet
S-CAPGM.
EVERLOST est un mash-up de plusieurs de mes travaux fonctionnant
sur le mode de la parade pour un seul performer, une forme de one-human-
band.
La parade s’ouvre avec un coup de téléphone retransmis via un costume
de haut-parleur public-adress. L’interlocuteur est un tambour. Rapidement,
les deux emetteurs se répondent puisque le haut-parleur se dirige
vers le tambour qu’on entend jouer au loin. Le son s’arrête quand ils se
font face.
S’ensuit un remix de la performance S-CAPGM, dont l’optique est de
donner à voir un certain nombre d’autres travaux, comme les Bonneteaumatiques
ou encore la vidéo Poopbuster, en se servant des pièges
et des défis physiques comme des paliers permettant de débloquer un
nouveau niveau.
C’est donc le game design qui tient lieu de scénographie.
Une fois le dernier niveau atteint, une cabine de douche, la performance
prend fin. Ne subsiste qu’une ombre qui se déshabille, et le bruit de l’eau
qui coule.
Puis le filet d’eau grossit jusqu’à devenir un orage, qui éteint définitevement
toute les lumières.
La parade se clôt au son du tonnerre.

Everlost

2018, Performance

Les Bonneteaumatiques sont des sculptures vivantes inspirées du jeu de bonneteau pratiqué sur le pavé.
Elles s’introduisent dans l’espace de monstration et sont tout aussi mobiles que leurs cousines présentes dans la rue : faites de carton, et activées par un maître du jeu, elles peuvent surgir à tout moment.
Un seul bémol : une fois qu’elles sont en marche, elles deviennent folles et battent les cartes à l’infini en invectivant les spectateurs, toujours de la même manière : “Elle est où, la reine ??”.

Bonneteaumatiques

Trois murs, trois enceintes, trois projecteurs : c’est ce que j’utilise pour vous plonger dans
les paysages de Bachy, mon village.
Depuis quelques temps, d’étranges personnages déambulent dans la commune.
Leurs errances sont capturées sur les faces du panoptique.
Rapidement, on remarque que chacun d’entre eux possède un gimmick, un son remarquable,
qui se déclenche dès leur apparition à l’écran.
La partie de cache-cache s’engage une fois l’association bruit/masque faite : il suffit ensuite
d’attendre le signal venant d’une des trois enceintes pour pouvoir trouver le personnage
attendu.

Cache-cache à la frontière belge

2017, dispositif audiovisuel, en boucle

L’Abeille coule, c’est la mise en abîme d’une chasse. Suivant la tradition des veneurs, on sonne la curée une fois la bête abattue, et c’est au son des trompettes que l’on rejoue, à juste titre, les différentes étapes ayant amené à la capture.
Ici, ce sont les deux chanteurs qui prophétisent, par des onomatopées, les faits tragiques qui vont se
dérouler.
Leur chant est arrêté brusquement par la bête, un engin de chantier, qui semble s’agacer du sort morbide qui lui est destiné.
Tout se met en branle, un gang d’abeilles fond sur lui, l’encercle, l’effraie. La pauvre bête se débat mais elle est cernée : on l’achève en faisant exploser sa piñata, qui tient lieu d’organe vital.
Des dizaines de balles rebondissantes jaillissent de l’appendice, offrant une distraction interminable pour le gang d’abeilles. Le cadavre est recouvert d’un linceul aux couleurs du gang, pour mettre en valeur la prise.
L’ensemble de la représentation est diffusé en live sur le fantôme/écran géant, et l’action est encouragée par la compagnie de la claque des Chevaliers du Lustre.

L’Abeille coule

2018, performance

La Mort de Ferdi raconte la capture de mon ami Ferdinand dans un parking. Sa capture se déroule selon le protocole suivi par les équipes du zoo de Tokyo en cas d’évasion d’un de leurs pensionnaires ; protocole mis en scène, costumé, filmé et posté sur internet, transformé en véritable animation pour les visiteurs.
La vidéo reprend donc les différentes étapes de la capture : la seule différence est qu’à la place d’être “remis en cage”, Ferdinand se transforme en fantôme et s’enfuit.
C’est à l’occasion de la projection de cette vidéo que sont nés Les Chevaliers du Lustre, compagnie de la claque assermentée et costumée, dont la présence est ensuite devenue récurrente dans mes interventions.
C’est aussi à ce moment que le fantôme/écran géant est apparu pour la première fois, pour donner à voir l’histoire de sa propre naissance; Ferdinand quittant la vidéo sous les traits d’un fantôme.

La Mort de Ferdi

vidéo projection performée, 4'29

On se tenait, l’un contre l’autre, on avait fait fi de nos timidités, juste pour danser sur ce morceau.
J’attendais ma mitraillette sauce bicky, et là, radio Galaxie passe ce track !
Celui de l’autre soir ! Sur le parking du Cap’tain !
Drôle d’idée, quand même, de mettre un kick a 160 BPM sur une balade…
Chemins aller-retours, mash-ups, remix, covers, blend, rework, screw, chop…
Ici on cherche le dénominateur commun de ces pratiques.
Le quart-d’heure américain-frites, c’est ça, c’est un mash-up de souvenirs, de flashs, de sentiments; cristallisés
sur de la musique, sur le son.
15 mn compilées au lance-pierre.
Ce qui m’interesse ici ? Le peak ! L’intensité de chaque morceau.
Ce qui est resté dans la tête, dans ton souvenir.
Diffusé sur Vizir Radio

Le quart-d’heure américain-frites

2018, émission de radioÉcouter les émissions de Knut Vandekerkhove sur Vizir radio.

Que peut-il se passer dans un centre d’art entre deux
expositions ?
POOPBUSTER se propose d’y répondre grâce à un
fond vert et un aspirateur.
POOPBUSTER est idéalement projeté sur un mur flanqué
de deux gros yeux globuleux.

Poopbuster

2018, vidéo, 4'31

S-CAPGM est un escape game réalisé dans l’espace d’une galerie grâce à la
collection de pièges Everlost.
Menotté, il faut gober des flambys pour trouver la clé cachée dedans.
Court temps de répit à la fontaine car une bouée vous fond dessus.
S’ensuit l’épreuve des rayons laser : agilité et maîtrise de soi sont de mise.
Pas le temps de souffler ; un filet de capture tombe du plafond.
Attention aux pistolets à fléchettes !
Une grande inspiration et c’est le slip’n’slide dégoulinant de liquide vaisselle.
C’est fini ? On recommence.
On remarque que les dés sont truqués : le joueur semble connaître toutes
les astuces, et pour cause, c’est lui-même qui a imaginé le parcours. Pire, il
semble même s’amuser avec les éléments du jeu; c’est une chorégraphie qu’il
répète inlassablement avec eux.
Seule variable au tableau : la rapidité d’exécution de cette chorégraphie. Ce
qui motive le joueur, c’est de dominer son propre jeu.
Ce sont les trois meilleurs passages qui sont superposés à l’écran, comme la
cinématique d’une fin de partie de jeu vidéo.
La course se rejoue inlassablement entre les trois jumeaux, qui, eux aussi,
connaissent l’issue de ce challenge.

S-CAPGM

2018, vidéo, 1'43

(Bunny Overdub) est une collection de caméos, de clins d’œil, de parasitages sur invitation pouvant altérer n’importe lequel de mes travaux.
Ce n’est pas le White Rabbit d’Alice aux pays des merveilles mais bien Luca dans son costume de lapin rose qui hante mes travaux. Il se comporte comme un spectateur augmenté de mes performances, de mes vidéos, puisqu’il a le pouvoir de se balader dedans. Ceux-ci sont sans bornes car il peut choisir d’être tour à tour tangible ou numérique.
Le lapin rose vient réécrire/overdubber son/les histoire(s).

(Bunny Overdub)

zapping

2018, vidéo